RIAD SOUAFINE

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Souafine patio

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samedi 19 mai 2018

Ramadan au Maroc: un autre regard sur le jeûne




Ce jeudi 17 mai 2018 le mois de Ramadan débute au Maroc. Pour les musulmans ce mois est sacré mais pour les non musulmans que représente-t-il ? Comment est-il perçu entre phantasme orientaliste et réalité vécue ?
En principe et pour faire simple ce long mois lunaire (29 jours) de jeûne est censé permettre à tous les croyants de vivre et de ressentir la pauvreté et de transcender ces privations en enrichissement spirituel.
En clair: faire le point sur soi-même, ses erreurs passées, ses dérives et les corriger pour retrouver le bon chemin de la sagesse conforme aux préceptes du Coran.
C'est pour cela qu'en ce mois de Ramadan dans les mosquées se tiennent les causeries, les lectures du Coran ou que se déroulent en tous lieus les "nuits du Ramadan" bercées de chants religieux.
En théorie donc ce serait par le jeûne diurne un moyen de purification du corps et de l'âme.
Et même un dépassement de soi, une victoire de l'esprit sur le corps....

En théorie !

Car ce qui était certainement la règle dans les temps anciens ou qui l'est peut-être encore dans quelques contrées lointaines semble ne plus avoir cours au Maroc du XXIème siècle.

Du lever au coucher du soleil vient le temps de l'abstinence, ne pas boire ni manger ou fumer, ne pas succomber aux désirs quels qu'ils soient, ne pas susciter les tentations, parfums et maquillages sont proscrits.
Et gare à celui ou celle qui viendrait à enfreindre en public l'un de ces interdits !

La société marocaine évolue et en à peine deux décennies elle s'est convertie en société de consommation (frénétique pour les plus aisés).
Cela se constate aussi pendant le mois de Ramadan qui connaît son plus haut pic de consommation avec une inflation des prix alimentaires que personne ne modère.

La plupart des religions imposent une période de jeûne, plus ou moins longue et de nos jours de moins en moins observées en dehors de l'Islam.
De nombreux médecins pensent que le jeûne à des vertus  notamment purificatrices mais à la condition qu'il soit encadré, équilibré et que  l'apport hydrique et calorique soit respecté.

Le jeûne du Ramadan n'est pas un jeûne "thérapeutique" il est une des manifestations de la foi et il n'est que "diurne" et donc chaque soir lorsque le dernier rayon du soleil disparaît et que résonne le chant du muezzin l'abstinence cesse, tous les interdits sont levés (en dehors de celui concernant l'alcool bien sûr).

La table du ftour est dressée depuis un moment et la préparation des mets qui la recouvrent aura occupé les femmes de la maison tout au long de la journée.
Bien avant le premier Ramadan les familles, surtout les femmes, se réunissent pour la préparation des... gâteaux du Ramadan puis chaque jour il leur faudra cuisiner la harira, la soupe traditionnelle qui a elle seule apporte quasiment toutes les calories nécessaires à la "survie" tant sa composition est riche (légumes, viande, féculent etc...). 
Aux côtés de la harira l'on retrouve, des dattes et du lait, les fameux chbakia, gâteaux, les mlaoui (galettes fourrées), des œufs durs avec juste une pincée de cumin et de sel, des briouates salés et sucrés (sortes de "nems" ou de samoussas), des batbots farcis (petits pains ronds) et quelques "bonus" au cas où !
Si l'on ajoute les liquides, jus d'avocat, jus de fruits, eau et lait..... l'overdose calorique est atteinte !
Heureusement en réalité personne n'ingurgite la totalité des aliments offerts c'est plus de l'ordre "les yeux plus gros que le ventre".

Le ftour n'est que la première étape de ces nuits de Ramadan.

Après quelques heures de digestion dont les premières se passent en léthargie télévisuelle (merci aux séries TV spécial Ramadan), les plus courageux, les hommes surtout, sortent ensuite retrouver les amis dans les cafés qui seront alors ouverts jusque tard dans la nuit.
Vers minuit ou une heure du matin retour à la maison pour attaquer le second repas qui consiste en au moins un tagine puis peut-être aussi quelques fruits. En été les nuits étant courtes la digestion de ce tagine se fait au lit, une heure ou deux de sommeil avant de se lever bien avant l'aube pour une dernière collation avant de se rendormir....

Une minorité de marocain commence à prendre conscience que ce "marathon" alimentaire n'est pas compatible avec leur santé et impacte négativement leur capacité à faire face à leurs responsabilités professionnelles.
Ceux-là adoptent un comportement plus raisonnable (plus économique aussi) lors du ftour et du repas.

L'économie agro-alimentaire du Maroc lors du mois de Ramadan est boostée par la sur-consommation des produits de base: huile, farine, sucre, miel, œufs, oignons et tomates.
Aujourd'hui le taux d'équipement des ménages en électro-ménager est assez élevè mais il y a quelques années encore les fabricants comptaient sur Ramadan pour vendre en masse réfrigérateur et congélateur en proposant même des crédits adaptés !

Vu avec un regard extérieur on peut se demander quel est le poids réel du religieux (spirituel) par rapport à celui du profane (alimentaire) ?

Pour les croyants, les vrais, ceux qui tous les jours de l'année  observent scrupuleusement les préceptes religieux, ce mois sacré de Ramadan ils le vivent de manière quasi extatique et si bien sûr jeûner n'est facile pour personne ils ressentent cette épreuve comme transcendante. Pour les autres, de plus en plus nombreux, qui ne vivent pas au quotidien cet engagement religieux, le respect du jeûne est vécu comme un engagement social obligé et donc subi. 
C'est ainsi que certains vont prendre des vacances à l'étranger, dans un pays non musulman pour s'affranchir de cette pression. Il suffit de se rendre dans les territoires espagnols du Maroc, Ceuta ou Melilla, pour voir au déjeuner les terrasses de café et de restaurants se remplir de marocains en rupture...

Pour la majorité des marocains le mois de Ramadan est aussi le mois où les liens familiaux se resserrent, les familles se réunissent au moment du ftour, les étrangers sont souvent conviés à partager avec eux ce moment particulier et "typiquement dépaysant". 

L'expérience du ftour n'est plus seulement réservée à l'intimité des foyers. Les hôteliers marocains dont le mois de Ramadan est ressenti comme une perte de chiffre d'affaires proposent désormais des formules ftours sous forme de buffets gargantuesques mélangeant souvent différentes cultures gastronomiques.

En Europe les musulmans sont minoritaires et de ce fait le Ramadan reste très abstrait pour les populations, même invisible dans ses effets quotidiens en dehors des communautés concernées.
Dans le monde du travail il n'est que rarement pris en compte et peu d'employeurs aménagent les horaires des salariés musulmans qui ne peuvent se permettre la moindre baisse de performance.
Malgré ces contraintes supplémentaires l'observance du jeûne est loin de disparaître bien au contraire.
Mais les tables européennes du ftour même si elles rassemblent des spécialités de leur pays d'origine sont loin d'être aussi abondamment pourvues qu'au Maroc.


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